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La France et l’ISO 9001 : le désamour ?

Publié le 12/01/2018

Catégorie : Édito

Que s’est-il passé depuis 2012 ?

Les résultats sont tombés : 2016 confirme et accentue la baisse du nombre de certificats ISO 9001 en France ISO Survey. De 2010 à 2014, le compteur semblait bloqué autour de 29000 puis, surprise en 2015, l’enregistrement d’une légère baisse à 27844. Cette faible baisse, pouvant entrer dans la marge d’erreur, n’a pas inquiété outre mesure. Aujourd’hui, patatras, le chiffre s’écroule à 23403 ! Une chute de 16 % par rapport à 2015 et de 20 % par rapport aux cinq années précédentes.

Bien entendu, il est toujours possible d’incriminer le mode de calcul, la fiabilité des chiffres collectés auprès des organismes de certification … Le déni est toujours possible, on le sait bien.

Je me souviens d’un discours de M. MARCON (il n’y a pas d’erreur d’orthographe …), ancien Président de CCI France, qui déclarait en 2012 (cf. Revue Echanges n° 20 – AFQP) :

« Dès le début des années 90, les Chambres de Commerce et d’Industrie ont accompagné les entreprises françaises dans leur démarche Qualité. C’était un axe de travail majeur à la fin de la décennie, et une belle réussite grâce au travail collectif des CCI. Pourtant, au cours des années 2000, la Qualité s’est progressivement écartée de la stratégie des entreprises et donc un peu de la nôtre : était-elle devenue un lieu commun ? Nous pensions que ces entreprises l’avaient intégrée. On a alors baissé la garde… Nous avons depuis constaté une baisse de la Qualité sur le territoire, particulièrement pour les PME-TPE, préjudiciable à notre industrie. Aujourd’hui, nous sommes conscients qu’il faut reprendre cet objectif. Et pour y arriver, il faut se remobiliser : nous mettre tous autour de la table. … »

Sauf à démontrer que la qualité dans les entreprises et notamment dans les TPE – PME n’est pas corrélée au développement des démarches qualité de type ISO 9001 et/ou que seul l’ISO 9001 souffre de cette défiance, il faudra bien s’interroger sur le bilan des actions entreprises depuis l’appel du Président MARCON et sur leurs effets !

Comment expliquer le désamour des entreprises et des TPE PME en particulier pour l’ISO 9001 ?

La prise de conscience qui semblait prévaloir à ce moment – non seulement au travers des déclarations du Président de CCI France mais aussi dans le contenu du rapport GALLOIS et dans d’autres publications et études (Rexecode, Fondapol …) – autorisait un enthousiasme raisonnable, auquel j’ai facilement succombé d’autant plus qu’il nourissait mes intérêts professionnels en la matière …

J’ai alors souhaité apporter ma contribution de praticien en publiant un court ouvrage intitulé « Qualité dans les TPE-PME : l’âge de raison ? », dans lequel je proposais quelques clés de lecture de la situation et quelques propositions.

A partir de mon expérience de consultant et d’auditeur, je relevais trois faiblesses et dérives d’application, qui me paraissaient pouvoir expliquer, au moins en partie, la perception mitigée des démarches qualité dans les entreprises :

  • Glissement progressif de la notion de système qualité documenté à celle de système de documents ;
  • Démarches qualité trop souvent déconnectées de la stratégie, du management et/ou du quotidien des opérationnels ;
  • Démarches qualité trop souvent standardisées et stéréotypées.

Ces faiblesses d’application ont, à mon sens, largement contribué à créer des démarches qualité « hors-sol » dont on pouvait se demander si leur but n’était pas uniquement l’obtention et le maintien d’une certification ?

Comment alors s’étonner que les chefs d’entreprises, hommes et femmes pragmatiques en général, se détournent de ces démarches dont ils ont pu voir les inconvénients dépasser les avantages ?

L’enquête annuelle de l’ISO nous confirme, malheureusement, ce désamour !

Des raisons d’être confiant ?

Il a existé en France, une sorte de schisme Qualité entre deux obédiences issues de la même matrice mais qui ont eu du mal à s’entendre, et dont on a pu croire qu’elles étaient irréconciliables …

Une école visait davantage à rendre la qualité accessible à tous de manière à élever le niveau moyen global (à la manière du 80 % d’une classe d’âge au Bac) avec pour étendard le référentiel ISO 9001 – le référentiel de système de management de la qualité le plus utilisé dans le monde à ce jour – alors que l’autre école prônait les sommets, l’excellence avec ses référentiels éponymes … Une question, irrésolue à ce jour, et espérons-le dépassée, serait de savoir pourquoi ces deux chapelles ont résisté si longtemps à l’idée qu’elles puissent être complémentaires ?

Ceux qui prônaient l’excellence en qualité ne faisaient jamais ou presque la promotion des apprentissages élémentaires et vice-versa. A écouter certains, on pouvait avoir l’impression qu’il était possible de courir sans avoir appris à marcher auparavant !

Un argument souvent entendu était celui de la volonté de tirer vers le haut plutôt que de niveler par le bas. Ne pourrait-on pas combiner les deux mouvements ? Une lueur d’espoir existe grâce au renouvellement des générations et au dépassement des schismes anciens qu’il rend possible …

Par exemple, des évolutions sont perceptibles dans les prises de parole et les actions de France Qualité, association à ambition fédérative dans le domaine de la qualité, qui semble devenir de plus en plus œcuménique dans sa promotion des démarches qualité de tous types.

Une partie du chemin a été parcouru mais il reste encore des freins à lever et des bastions à conquérir, comme l’enquête ISO de 2016 nous le rappelle durement !

Quelles priorités d’actions ?

Continuer à promouvoir l’excellence opérationnelle pour les entreprises du haut du panier et celles qui s’en approchent est bien entendu utile pour le pays tout entier et donc nécessaire.

Généraliser cet appel à l’ensemble des entreprises peut paraître irréaliste voire trompeur. Irréaliste car toutes les entreprises n’ont pas intérêt à être excellentes, leurs modèles économiques reposant sur un positionnement autre. Trompeur, car je doute que les leaders économiques eux-mêmes croient vraiment ce qu’ils proclament à ce sujet. N’admettent-ils pas, en privé, que le pays a besoin de tous types de profils d’entreprises et pas seulement de « premiers de la classe » ?

Pour relancer la démocratisation des démarches qualité – condition nécessaire pour atteindre l’objectif partagé de montée en gamme globale de l’économie française qui lui-même conditionne le maintien, que chacun en France semble vouloir, de notre niveau de vie et de notre modèle social – ce chiffre de l’enquête ISO de 2016 nous confirme que l’intensification des efforts est plus que jamais nécessaire. Elle a d’ailleurs peut-être déjà commencé, avec notamment l’utilisation de l’ISO 9001 version 2015 tirant profit de son ouverture et de son appel au pragmatisme !

Un chantier global surplombe, à mon avis, toutes les initiatives utiles à déployer sur le terrain :

  • Innover en qualité, diversifier les approches terrain et en même temps renforcer le corpus méthodologique et conceptuel de la discipline pour aider les acteurs de l’entreprise à mieux piloter leurs organisations.

Ce chantier, qui s’adresse en premier lieu aux professionnels de la qualité en entreprise, aux consultants, formateurs et auditeurs, et aussi aux prescripteurs, passera probablement par la révision de certaines de nos habitudes :

  • Dépasser la situation de compétition entre les approches et méthodes qualité (ISO 9001, Lean, Six Sigma, excellence opérationnelle, approche processus NFX 50 176, BPM, EFQM …) et accueillir la diversité des méthodes et outils dans leurs complémentarités et spécificités ;
  • Sortir de la quasi-dictature des figures imposées, parfois fossilisées en totems intouchables, et promouvoir la créativité organisationnelle, la régénération continue des méthodes et outils qualité au contact des connaissances, techniques et pratiques nouvelles (comme par exemple : BPM, Systèmes Multi-Agents, Sociologie de l’Action Organisée, Big Data, nouvelles formes d’organisation …) ;
  • Débrider et libérer les consultants et auditeurs qualité pour leur permettre de développer leurs compétences et de diffuser une culture qualité foisonnante, actualisée et vivante prenant en compte la diversité de nos entreprises et organismes, de leurs parties intéressées, de leurs enjeux et besoins.

Espérons que le changement ait déjà commencé en 2017, que la transformation soit en marche, comme on dit aujourd’hui. Il n’est pas trop tard mais le statu quo n’est plus une option !

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