Un chemin et un calendrier stabilisés
Après quelques faux pas ou hésitations ces deux ou trois denières années, le travail de révision pour la sixième version de l’ISO 9001 semble avoir trouvé son rythme de croisière et son cap.
Les informations générales distillées par les organismes de normalisation représentatifs, par exemple en Espagne, en France, au Royaume Uni, ou en Allemagne … soulignent à l’unisson les thèmes autour desquels se cristalliseront les nouveautés :
- Les technologies émergentes pour optimiser la maîtrise de la qualité, la performance opérationnelle et l’expérience client ;
- La prise en compte des risques et opportunités, traités sans prééminence, à égalité d’intérêt et de traitement ;
- L’expression de la culture qualité, pouvant être spécifique à chaque organisme et de nature à favoriser l’engagement des salariés ;
- L’éthique et la place de l’humain dans les relations professionnelles et la conduite des affaires.
Les utilisateurs que nous sommes ne savons pas encore dans quelle mesure ces sujets se traduiront par des exigences précises et auditables. Tant que le projet DIS de l’ISO 9001 ne sera pas disponible, dans le courant de l’année, peut-être cet été, nous ne pourrons pas explorer davantage ces nouveautés.
Des signes du côté de l’ISO 9000
Mais, dès à présent, nous disposons du DIS de l’ISO 9000 qui, en le lisant attentivement, nous fournit des informations encourageantes sur la nature et le niveau du travail accompli dans l’approfondissement des concepts et du vocabulaire, objets de l’ISO 9000.
Au premier rang, on peut constater avec plaisir les clarifications dans les définitions d’un SMQ (système de management de la qualité), de la place des processus et de leurs liens avec le système.
Ces précisions sont de nature à dissoudre dans une approche unifiée, pour autant que les protagonistes le souhaitent, la controverse ancienne, du moins en France, entre les tenants de l’école classique des processus, épousant les contours des entités organisationnelles, et ceux, hétérodoxes, prônant l’approche transversale des processus (cf. mon article de 2018 (De la cartographie des processus à l’architecture de système de management de la qualité.)
Système et processus enfin définis sans ambiguïté
Le passage le plus novateur à cet égard est celui-ci (cf. § 2.3.7 -Management des processus) :
« Le management des processus est une approche et une méthodologie systématiques qui se concentrent sur les activités réalisées au sein des processus, plutôt qu’au sein des structures organisationnelles. Le management des processus reconnaît que les processus peuvent franchir les limites fonctionnelles et peuvent avoir diverses interactions et corrélations avec d’autres processus. »
C’est une première dans l’ISO 9001, rédigée presque sous forme de confession, reconnaissance et validation de l’approche processus de bout en bout !
Pour ceux qui, comme moi, pratiquent l’approche processus de bout en bout dans les TPE- PME, et ferraillent parfois contre des auditeurs qualité perplexes alors que cette méthode est déployée depuis plus de 10 ans dans nombre de grandes entreprises nationales et internationales, le soutien apporté par l’ISO 9000 sera probablement bienvenu car l’attrait de l’innovation se heurte souvent à la résistance des habitudes.
Dans les définitions également, des clarifications sont apportées. Celle concernant le système de management (§ 3.1.4) et par conséquent le système de management de la qualité (§ 3.5.9) mérite que l’on s’y attarde un peu, pour souligner la définition affinée et le remplacement d’une note 2 « fourre z’y tout », confondant les ingrédients avec les résultats à obtenir, par une proposition bien plus cohérente, respectant les règles élémentaires de la logique systémique.
système de management
« ensemble d’éléments corrélés ou en interaction d’un organisme (3.1.1) utilisés pour établir des politiques (3.1.5) et des objectifs (3.1.6), ainsi que des processus (3.1.8) de façon à atteindre ces objectifs. »
Note 2 à l’article : Les éléments du système de management comprennent la structure, les rôles et responsabilités, la planification et le fonctionnement de l’organisme.
Et également en § 2.3.3 Système de management de la qualité
« Un SMQ est mis en place pour gérer les activités qui permettent à l’organisme de déterminer ses objectifs qualité, ainsi que les processus et les ressources nécessaires à ceux dont le travail a un impact sur la qualité des produits et services, afin d’atteindre les résultats attendus. »
Lien entre SMQ et processus
Outre le rappel historique du fait que le SMQ est centré sur les produits et services fournis, ce qui change par rapport aux définitions actuelles de l’ISO 9000 : 2015 est la clarification du lien entre le SMQ, ses éléments et des processus à établir. Notons que les processus ne sont plus définis comme étant des éléments du SMQ.
Les processus apparaissent comme des outils, des construits, modifiables et adaptables aux besoins externes ou internes, dont la finalité première, et peut-être unique, est de rendre effectif l’atteinte des objectifs (qualité) de l’organisme. Les processus, contrairement à la structure de l’organisme, aux rôles et responsabilités, n’ont pas valeur d’entités, d’éléments constitutifs, organiques, du système.
Les processus sont construits pour opérationnaliser (définir, mettre en œuvre et optimiser) les « flux de travail » (terme défini dans l’ISO 9000 §3.3.10), c’est-à-dire les relations entre les entités du système, pour fournir les produits et services attendus par les clients et atteindre les objectifs (qualité) de l’organisme.mpossibles à concrétiser à grande échelle et à coûts abordables au plus grand nombre.
Les enjeux opérationnels
Concrètement, l’intérêt applicatif de ces clarifications réside dans la caractérisation des processus, en tant que flux, par rapport aux entités organisationnelles du système.
A chacun ses missions et sa temporalité, les processus se conjuguent au présent, dans l’action et le mouvement. Alors que les entités organisationnelles ont des missions de capitalisation de connaissances et d’expériences qui s’inscrivent dans le temps long, depuis les enseignements du passé, la mobilisation de ressources au présent et jusqu’à la projection dans le futur pour pérenniser l’existence de l’organisme.
Et l’on peut voir dans ces évolutions de l’ISO 9000 une forme d’unification des modèles et concepts de management, salutaires pour l’ensemble des professionnels. Ainsi pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, comment ne pas faire le lien avec les travaux de l’APQC (American Productivity & Quality Center) et ses nombreuses publications, ces dernières années, sur deux sujets clés : d’un côté l’approche processus de bout en bout, intrinsèquement liée au BPM et au pilotage des flux de travail, et de l’autre côté, le KM (Knowledge Management), levier indispensable dans nos écosystèmes de plus en plus déterminés par les savoirs et les compétences.
Sur ces points, la convergence amorcée des référentiels et des modèles ne peut être que profitable pour les praticiens d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles.
